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Kemal Gözler, Le pouvoir de révision constitutionnelle, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1997, 2 volumes, 774 pages.
Kemal Gözler, Le pouvoir de révision constitutionnelle, Thèse pour le doctorat en droit, Directeur de recherches: Prof. Dmitri Georges Lavroff, Université Montesquieu - Bordeaux IV, Faculté de droit, des sciences sociales et politiques, 1995, 774 p.
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Le pouvoir de révision constitutionnelle fait l'objet de notre travail. On peut éventuellement examiner les différents aspects de ce pouvoir : sa nature juridique, ses rapports avec les autres pouvoirs, ses titulaires, ses formes, ses limites, etc. Même si nous avons brièvement abordé tous ces aspects dans le titre préliminaire, nous nous sommes particulièrement attaché à l'examen des limites de ce pouvoir. En effet, nous estimons que la question la plus importante soulevée par le pouvoir de révision constitutionnelle est celle de savoir s'il y a des limites s'imposant à son exercice.
Mais pour qu'il y ait de telles limites, il faut avant tout montrer que le pouvoir de révision constitutionnelle est un pouvoir susceptible d'être limité. Car, s'il n'est pas un pouvoir qui peut être limité, il serait vain par hypothèse même de rechercher ses limites. C'est pourquoi, dans un titre préliminaire, nous nous proposons d'étudier quelques questions préalables, telles que la question de savoir si le pouvoir de révision constitutionnelle peut être limité et celle de savoir si le pouvoir constituant originaire est permanent. Egalement à côté de ces questions préalables, nous essaierons de définir quelques notions générales que nous utiliserons tout au long de ce travail, telle la notion de pouvoir constituant ou celle de révision constitutionnelle.
Après avoir montré, dans le titre préliminaire, que le pouvoir de révision constitutionnelle est susceptible d'être limité, dans une première partie, nous nous poserons la question de savoir par quelles limites ce pouvoir est limité.
D'abord, si l'on regarde les textes constitutionnels, on découvre tout de suite que les constitutions elles-mêmes prévoient des limites à leur révision ; c'est-à-dire qu'il y a des limites à la révision constitutionnelle qui figurent expressément dans les textes constitutionnels. Ces limites feront l'objet du titre premier de la première partie. Nous allons d'abord voir leur inventaire (Chapitre 1), ensuite la question de leur valeur juridique (Chapitre 2).
Cependant, quand il s'agit de la limitation du pouvoir de révision constitutionnelle, certains auteurs ne se contentent pas d'énumérer les limites à la révision constitutionnelle prévues expressément par la constitution, allant encore plus loin, ils proposent d'autres limites à l'exercice de ce pouvoir. C'est pourquoi, nous avons réservé le deuxième titre de la première partie à l'étude de la question de savoir s'il y a des limites à la révision constitutionnelle non inscrites dans les textes constitutionnels. Dans ce titre, nous aborderons particulièrement deux questions : celle de savoir s'il y a des normes supraconstitutionnelles s'imposant à l'exercice du pouvoir de révision constitutionnelle (Chapitre 1) et celle de savoir s'il y a des limites à la révision constitutionnelle découlant de l'esprit de la constitution (Chapitre 2).
Ensuite dans la deuxième partie, nous nous poserons la question de savoir si les limites à la révision constitutionnelle inscrites dans le texte constitutionnel sont sanctionnées. En effet, en ce qui concerne ces limites, la vraie question est de savoir comment elles peuvent être sanctionnées, car aucune limite n'est contraignante, si elle ne fait pas l'objet d'une sanction.
Nous nous efforcerons d'envisager différentes sanctions pour assurer la conformité des lois constitutionnelles aux limites à la révision constitutionnelle : l'interruption de la procédure de révision constitutionnelle et le refus de la promulgation de la loi constitutionnelle par le président de la République, les sanctions pénales proprement dites, la responsabilité du président de la République pour haute trahison, la responsabilité pénale des ministres, etc. Toutes ces sanctions feront l'objet du titre premier de cette partie. Dans ce titre, on va voir que même si ces sanctions sont théoriquement envisageables, elles ne constituent pas en soi des moyens efficaces pour assurer la conformité des lois constitutionnelles aux limites à la révision constitutionnelle. En effet, ces limites ne sont efficacement sanctionnées que lorsque l'invalidation des lois constitutionnelles est possible. Alors, concernant les sanctions des limites à la révision constitutionnelle, la question-clé est de savoir si les lois constitutionnelles contraires aux limites à la révision constitutionnelle peuvent être invalidées. La réponse affirmative à cette question dépend de l'existence d'un contrôle de la constitutionnalité des lois constitutionnelles. C'est pourquoi le deuxième titre de la deuxième partie sera tout entier consacré à l'examen du problème du contrôle de la constitutionnalité des lois constitutionnelles. Nous aborderons ce problème d'abord dans un cadre théorique (Chapitre 1), ensuite nous essaierons d'illustrer ce cadre à partir de la jurisprudence des organes chargés du contrôle de la constitutionnalité de différents pays : l'Allemagne, l'Autriche, les Etats‑Unis d'Amérique, la France et la Turquie (Chapitre 2).
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Avant de passer à l'examen de notre objet d'étude, il convient de préciser que nous avons suivi, tout au long de ce travail, la théorie positiviste du droit. On peut alors dès maintenant révéler les principales caractéristiques de ce travail.
D'abord, notre travail a pour objet de connaître les limites à l'exercice du pouvoir de révision constitutionnelle, non de les faire, de les façonner ou de les modifier[1]. En d'autres termes, nous ne tenterons pas de formuler les limites à la révision constitutionnelle autres que celles prévues par le droit positif. De même nous rejetterons toutes les doctrines qui ont tenté de le faire. Car, elles confondent la science du droit avec l'objet de celle-ci. Or, selon la théorie positiviste, il y a une distinction entre le droit et la science du droit. Le premier est l'objet de la seconde[2]. Car, « dans toute science, l'objet doit être extérieur à cette science même, ce qui est une simple conséquence de la distinction cartésienne entre le sujet et l'objet de connaissance »[3]. La science du droit doit connaître son objet, non pas le façonner ou le modifier[4].
Ensuite, ce travail s'est efforcé de s'abstenir de tout jugement de valeur. En effet, il ne lui appartient pas de justifier, ni de condamner une limite à la révision constitutionnelle qui fait partie du droit positif. Son rôle est seulement de décrire les limites à la révision constitutionnelle telles qu'elles sont en fait, et non pas de prescrire ce qu'elles devraient être ou ne devraient pas être selon des jugements de valeur[5].
Enfin, par hypothèse même, nous ne pourrons pas accepter la validité juridique des limites à l'exercice du pouvoir de révision constitutionnelle autres que celles prévues par le droit positif. Car, selon la théorie positiviste, l'objet de la science du droit ne peut être que le droit positif [6]. Par conséquent, les limites à la révision constitutionnelle qui ne font pas partie du droit positif sont privées de toute valeur juridique. Ainsi, les limites déduites des principes de droit naturel, ainsi que toutes les autres limites proposées par la doctrine et qui ne sont pas inscrites dans le contenu des normes juridiques positives seront considérées dans notre travail comme ne s'imposant pas à l'exercice du pouvoir de révision constitutionnelle[7].
[1]. Hans Kelsen affirmait que le seul but de la science du droit « est de connaître le droit, non de le faire » (Hans Kelsen, General Theory of Law and State, Translated by Anders Wedberg, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1946, p.xiv).
[2]. Christophe Grzegorczyk, « La dimension positiviste des grands courants de la philosophie du droit », in Christophe Grzegorczyk, Françoise Michaut et Michel Troper (sous la direction de-), Le positivisme juridique, Paris, Bruxelles, L.G.D.J., Story‑Scientia, 1992, p.56 ; Michel Troper, Pour une théorie juridique de l'Etat, Paris, P.U.F., Coll. « Léviathan », 1994, p.30-35.
[3]. Christophe Grzegorczyk, « Positivisme comme méthodologie juridique », in Christophe Grzegorczyk, Françoise Michaut et Michel Troper (sous la direction de-), Le positivisme juridique, Paris, Bruxelles, L.G.D.J., Story‑Scientia, 1992, p.176.
[4]. Michel Troper, « Un système pur du droit : le positivisme de Kelsen », in Pierre Bouretz (sous la direction de-), La force du droit : panorama des débats contemporains, Paris, Editions Esprit, 1991, p.122. La conséquence épistémologique de cette théorie est le rejet de toutes les doctrines du droit naturel (Ibid., p.123). Car, le jusnaturalisme confond la science du droit avec l'objet de celle-ci. Les jusnaturalistes prétendent formuler des règles qui font partie du droit lui-même (Grzegorczyk, « Positivisme comme méthodologie juridique », op. cit., p.176).
[5]. En effet, selon la théorie positiviste, « la science du droit doit s'abstenir de jugement de valeur » (Troper, « Un système pur du droit... », op. cit., p.123). Hans Kelsen note qu'« une science doit décrire son objet tel qu'il est en fait et non pas prescrire comment il devrait être ou ne devrait pas être, selon un certain jugement de valeur. Ce dernier est un problème de politique et en tant qu'elle concerne l'art du gouvernement, qui est une activité tournée vers les valeurs. Elle ne peut être l'objet d'une science tournée vers la réalité » (Kelsen, General Theory of Law and State, op. cit., p.xiv). En ce sens voir encore Hans Kelsen, Théorie pure du droit, Traduction française de la 2e édition de la « Reine Rechtslehre » par Charles Eisenmann, Paris, Dalloz, 1962, p.1 : « Théorie [pure du droit], elle se compose uniquement et exclusivement de connaître son objet, c'est-à-dire d'établir ce qu'est le droit et comment il est. Elle n'essaie en aucune façon de dire comment le droit devrait ou doit être ou être fait. D'un mot : elle entend être science du droit, elle n'entend pas être politique juridique... En d'autres termes, elle voudrait débarrasser la science du droit de tous les éléments qui lui sont étrangers. tel est son principe méthodologique fondamental ». Ainsi, selon Kelsen, la science du droit « ne doit pas être influencée par les motifs ou les intentions des autorités législatives ou par les désirs ou les intérêts des individus » (Kelsen, General Theory of Law and State, op. cit., p.xiii).
[6]. Troper, Pour une théorie juridique de l'Etat, op. cit., p.38 ; Id. « Un système pur du droit... », op. cit., p.123 ; Grzegorczyk, « La dimension positiviste des grands courants de la philosophie du droit », op. cit., p.57. En effet, comme l'explique Michel Troper, « la science ne peut porter que sur une réalité connaissable. Ce qui ne fait pas partie du droit positif, comme le droit naturel, les valeurs, n'est pas connaissable » (Troper, « Un système pur du droit... », op. cit., p.123). Ainsi les doctrines du droit naturel sont rejetées pour cette raison aussi (Ibid.). « Au contraire, le droit positif est le seul objet juridique qui soit connaissable, parce qu'il est assimilable à ce que sont les faits pour les sciences de la nature » (Ibid.).
[7]. Selon Kelsen, « ce qui ne se trouve pas dans le contenu de normes juridiques positives ne peut entrer dans un concept juridique » (Kelsen, General Theory of Law and State, op. cit., p.xiii).
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(c) Kemal Gözler, 1995 (Theèse), 1997 (Livre), 2004 (Version d'internet). Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le present ouvrage sans autorisation da l'auteur. Cependant vous pouvez imprimer une copie en papier de ce livre, pour votre usage strictement personnel et non commercial. Vous pouvez également enregistrer ce livre sur votre PC pour le lire offline plus tard.
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Date de création: 4 april 2004
Dernière mise à jour: 27 octobre 2020, v2.